Dans l'East Village, 1988, aquarelle et fusain sur papier, 74,9 x 55,3 cm

Dans l'East Village, 1988

Un homme en chapeau et en manteau épais s'avance vers nous sur le trottoir. Sa tête est tellement penchée vers l'avant que son visage à la barbe rousse n'est pas visible sous le chapeau. Alors qu'une main est profondément enfoncée dans une poche de son manteau, l'autre main tient un petit pot de fleurs, un sac en plastique pend négligemment à son poignet. Malgré le froid, l'homme tient avec sollicitude la violette d'Usambara devant lui, dans sa main, pour ne pas l'écraser. Les façades tramées sombres à l'arrière-plan paraissent froides, la rue aux tons bleus changeants s'ouvre à gauche sur un abîme profond et les étalages à droite de l'image semblent inanimés. Son apparence anonyme est soulignée par l'environnement urbain, mais en même temps, son geste minutieux le fait sortir de cet environnement froid. Les tons contrastés complémentaires de sa barbe rouge et de son chapeau vert, de son manteau jaune-brun et de ses fleurs violettes animent en outre la scène.

La peintre construit un contraste entre les bâtiments anonymes de la grande ville et l'attitude attentionnée de l'homme envers le minuscule morceau de nature en fleurs, développant ainsi un motif de nostalgie romantique. Dans ses aquarelles de critique sociale, Ruth Baumgarte a toujours fait le portrait de l'inhospitalité croissante des villes et de la solitude de l'homme.

Dans la feuille d'aquarelle, les parties colorées se détachent sur le fond blanc à la manière du pop art. Il est en outre remarquable que l'artiste redéfinisse encore une fois l'outil de dessin qu'elle a utilisé dans de nombreuses feuilles depuis les années quarante. Désormais, le spectre chromatique séduisant du pastel déploie également une force subversive subtile, qui met en évidence la face cachée des sentiments humains.